Et pourquoi pas ?
Helen Smith pleura à chaude larmes, et elle pleura longtemps, quand on lui apris que son marin de mari, John Smith, était mort en mer. Un bien triste incident. Une violente tempete, un vent à vous arracher les membres et des vagues hautes comme trois pommiers, et cette jeune femme, qui avait jusque là mené une vie plutot heureuse, se retrouvait veuve à l'age de 24 ans et quelques jours seulement.
Le deuil de son époux fut une épreuve douloureuse. Elle crut qu'elle ne s'en remettrait jamais. Pendant plus d'un mois, elle resta cloitrée chez elle, tripotant machinalement la petite bague de diamant qu'il lui avait offert pour son anniversaire, juste avant de partir pour son ultime mission en mer. Au début, quelques collegues et amis de john, qui ne savaient pas plus nager que lui mais avaient été plus chanceux, passaient regulièrement la voir. Prendre des nouvelles, lui apporter un peu de réconfort, lui exprimer leur soutien. Ils apportaient des fleurs, elle leur offrait un thé, une biere ou un café, ils pleuraient un peu ensemble parfois. Ca lui faisait du bien, mais des qu'ils repartaient son mari defunt revenait hanter ses reves.
Et puis les visites s'étaient faite de plus en plus rare, jusqu'à cesser completement. Ils oubliaient leur chagrin et revenaient vers la vie. Pas Helen Smith.
Elle ne pouvait se résoudre à vivre sans lui. Pour elle, c'aurait été une trahison. Elle l'aimait tellement, que le monde sans lui avait perdu toute saveur. Ses amis lui répetaient que John n'aurait pas voulu la voir ainsi, qu'il aurait voulu la voir heureuse, croquant la vie à pleine dent, mais rien n'y faisait, elle ne n'arrivait tout simplement plus à jouir du simple fait d'exister. Elle ne dormait plus la nuit, et s'étiolait peu à peu, menacant de s'éteindre completement. Et même ses amis finirent par renoncer, et leurs visites se firent de plus en plus rares.
Un an passa, et Helen Smith ne fut bientot plus que l'ombre d'elle même. Quand il leur arrivait de la croiser au supermarché, ceux qui la connaissaient détournaient la tête, honteux et genés. En quelques mois, la jeune fille jolie aux yeux rieurs qu'elle avait été s'était changée en une vieille femme attendant la mort.
Le jour de ses 25 ans, Helen allait plus mal que jamais. Elle passa la journée à contempler la bague que John lui avait offert l'année precedente, d'un air absent. Le telephone sonna deux fois, mais elle ne repondit pas.
Vers midi, quelqu'un deposa quelque chose dans la boite aux lettres. A contrecoeur, elle se leva et alla voir.
C'était un morceau de papier d'assez petite taille, trop étroit pour contenir tout ce que l'on avait voulu y noter. Une annonce pour un charlatan marabout quelconque. Et elle se souvint du rire que John avait quand il decouvrait ce genre d'annonces. Elle se prit à lire le charabia et les promesses du bout de papier d'un oeil distrait, se rappelant de comment John l'avait traité d'idiote quand elle lui avait suggeré d'aller voir un de ces types la, parceque qui sait, peut être qu'il serait capable de résoudre ces troubles de l'érection qu'il avait parfois.
Mais une ligne retint son attention. Quelques mots. En plein millieu de l'annonce. Quelque mot qui disaient :
Retours de l'être aimé.
Elle se sentit mal, et elle se dit qu'elle ne devait pas s'imaginer des choses aussi folles. John avait raison, ces papiers étaient des atrapes nigauts. Les pretendus maitres occultes se faisaient payer des milles et des cents et puis prenaient bien vite la poudre d'escampette, et c'était là le seul tour qu'ils soient réellement capables d'excuter. Non, elle n'allait pas payer quelqu'un pour lui faire du mal.
Mais quelque chose, qu'elle n'arrivait pas à identifier, dont elle n'aurait su dire si ca provenait de l'annonce ou du fond de son esprit à elle, quelque chose lui soufflait le contraire. "Et pourquoi pas ?" repetaient une voix étrangere. "Et pourquoi pas ? Apres tout, je n'ai plus rien à perdre".
Sans trop savoir ce qu'elle faisait, et vaguement consciente de faire une chose qu'elle regreterait bientot, elle se dirigea vers le telephone.
Une voix d'homme lui répondit. Une voix grave, profonde, rassurante et inquietante à la fois. Une voix qui lui demandait ce qu'elle pouvait faire pour son service.
- Je veux revoir mon mari, dit-elle en tremblant legerement.
- Je vois... Parti en rejoindre une autre hein ?
- Euh... Oui, en quelque sorte, oui...
- Vous connaissez son nom ?
- La... La mer l'a...
Elle fondit en larmes.
- Oh. Une femme mariée en plus. Le cochon... Et bien ne pleurez plus madame, je pense pouvoir arranger ca.
Il lui demanda son adresse. Elle la lui donna, et elle l'entendit noter l'information.
- Je passerais chez vous demain matin vers onze heures, dit il avant de raccrocher.
Et Helen se demanda si ça allait marcher.
Elle ne put trouver le sommeil cette nuit la. Elle s'en voulait d'avoir agi ainsi. C'était stupide... John l'aurait certainement traité d'idiote une fois de plus, et il aurait eu raison. Mais d'un autre coté, cette voix dans sa tête, cette voix qui ne lui apartenait pas se bornait à repeter : "Et pourquoi pas ?" et ces trois mots semblaient pouvoir resister à tout argument. Elle savait que ses espoirs étaient voués à l'echec, mais elle avait envie d'y croire malgré tout.
L'homme sonna à la porte à onze heures precises. Il observa Helen un moment, avant de se fendre d'un clin d'oeil et d'un sourire en coin et de penetrer en conquerant dans le salon, annoncant haut et fort qu'il allait faire rentrer l'homme de sa vie à la maison, à grands coup de pieds au cul s'il le fallait.
Il ne ressemblait pas à l'idée qu'elle se faisait d'un marabout. Elle s'était attendu à voir un vieil homme vetu bizarement, parlant avec un accent étrange... Une sorte de sorcier vaudou comme on en voit dans certains films. Au lieu de cela, elle se trouvait maintenant face à un jeune homme assez beau garçon, vetu d'un banal costume en tweed et trimbalant un attaché case gris. Qui s'affairait dans son salon en lui demandant depuis combien de temps son époux avait quitté le domicile conjugal.
Un an, jour pour jour, répondit elle, et elle essuya une larme qui coulait sur sa joue. Savait-elle où il se trouvait maintenant ?
- Il est mort, dit-elle un peu froidement. En mer. On à pas retrouvé son corps.
A ces mots, le sorcier blanc s'arreta net.
- Vous savez, dit il lentement, cette formule, "retours de l'être aimé"... C'est une expression. Je ne pensais pas que... Enfin... Je peux faire beaucoup de choses, mais je ne pense pas pouvoir...
Il dut s'arreter la, car Helen éclata une nouvelle fois en sanglots, et le jeune homme se mit en devoir de la reconforter, parcequ'il n'y avait rien de mieux à faire, un peu gauchement car il ne savait visiblement pas s'y prendre. Il la fit s'asseoir sur le canapé, et essaya de trouver des mots reconfortants.
Il ne put que bredouiller une histoire ridicule et incoherente à propos de gens que l'on aime et qui restent pour toujours quelque part au fond de notre coeur, et il eu un peu honte de lui quand il se rendit compte que c'était le genre de conneries que les personages de Disney racontaient à tout bout de champs. Mais son récit, aussi niais soit il, parut avoir l'effet escompté sur Helen, et il se souvint alors qu'il n'avait jamais rien pigé à la psychologie feminine.
Helen secha ses larmes et se sentit mieux. Peut être ses vieilles amies avaient elles raison. Peut être que la vie avait decidé de lui reprendre John, mais elle était toujours la, et peut être que c'était dur, mais il lui fallait accepter que John ne reviendrait plus. Alors peut être qu'en lui gardant une place au fond de son coeur, comme le disait le jeune homme assis à ses cotés, peut être qu'alors John ne serait plus vraiment mort. Ca faisait beaucoup de peut être, mais n'est-ce pas à ca que se resume l'existence ?
L'important était de ne pas l'oublier. Ca non, jamais elle ne l'oublierait, mais elle pouvait faire comme si, reprendre le chemin de la vie, et tenter de reprendre le dessus. C'est ce que John aurait voulu qu'elle fasse, elle s'en rendait compte à present.
- Embrassez moi, dit elle au jeune sorcier qui lui avait, à la manière d'un enfant maladroit, fait reprendre gout à la vie. Et celui ci eu l'air surpris, mais, pensant sans doute avoir affaire à une folle, lui déposa un baiser timide sur la joue.
La porte s'ouvrit et John Smith apparut devant eux, un pistolet à la main. Son visage rouge de fureur, il hurla et traita Helen de salope.
- Johnny ? Mais tu es mort ! parvint elle à articuler entre deux sanglots. L'apprenti marabout, quand à lui, ne savait plus ou se mettre.
- Et c'est une raison pour me cocufier ? Trainée ! éructa le spectre en postillonant. Il leur logea à tout deux une poignée de balles en plomb dans le foie, et puis il contempla en pleurant la petite bague de diamant qui tronait au millieu d'une flaque de sang.
Le deuil de son époux fut une épreuve douloureuse. Elle crut qu'elle ne s'en remettrait jamais. Pendant plus d'un mois, elle resta cloitrée chez elle, tripotant machinalement la petite bague de diamant qu'il lui avait offert pour son anniversaire, juste avant de partir pour son ultime mission en mer. Au début, quelques collegues et amis de john, qui ne savaient pas plus nager que lui mais avaient été plus chanceux, passaient regulièrement la voir. Prendre des nouvelles, lui apporter un peu de réconfort, lui exprimer leur soutien. Ils apportaient des fleurs, elle leur offrait un thé, une biere ou un café, ils pleuraient un peu ensemble parfois. Ca lui faisait du bien, mais des qu'ils repartaient son mari defunt revenait hanter ses reves.
Et puis les visites s'étaient faite de plus en plus rare, jusqu'à cesser completement. Ils oubliaient leur chagrin et revenaient vers la vie. Pas Helen Smith.
Elle ne pouvait se résoudre à vivre sans lui. Pour elle, c'aurait été une trahison. Elle l'aimait tellement, que le monde sans lui avait perdu toute saveur. Ses amis lui répetaient que John n'aurait pas voulu la voir ainsi, qu'il aurait voulu la voir heureuse, croquant la vie à pleine dent, mais rien n'y faisait, elle ne n'arrivait tout simplement plus à jouir du simple fait d'exister. Elle ne dormait plus la nuit, et s'étiolait peu à peu, menacant de s'éteindre completement. Et même ses amis finirent par renoncer, et leurs visites se firent de plus en plus rares.
Un an passa, et Helen Smith ne fut bientot plus que l'ombre d'elle même. Quand il leur arrivait de la croiser au supermarché, ceux qui la connaissaient détournaient la tête, honteux et genés. En quelques mois, la jeune fille jolie aux yeux rieurs qu'elle avait été s'était changée en une vieille femme attendant la mort.
Le jour de ses 25 ans, Helen allait plus mal que jamais. Elle passa la journée à contempler la bague que John lui avait offert l'année precedente, d'un air absent. Le telephone sonna deux fois, mais elle ne repondit pas.
Vers midi, quelqu'un deposa quelque chose dans la boite aux lettres. A contrecoeur, elle se leva et alla voir.
C'était un morceau de papier d'assez petite taille, trop étroit pour contenir tout ce que l'on avait voulu y noter. Une annonce pour un charlatan marabout quelconque. Et elle se souvint du rire que John avait quand il decouvrait ce genre d'annonces. Elle se prit à lire le charabia et les promesses du bout de papier d'un oeil distrait, se rappelant de comment John l'avait traité d'idiote quand elle lui avait suggeré d'aller voir un de ces types la, parceque qui sait, peut être qu'il serait capable de résoudre ces troubles de l'érection qu'il avait parfois.
Mais une ligne retint son attention. Quelques mots. En plein millieu de l'annonce. Quelque mot qui disaient :
Retours de l'être aimé.
Elle se sentit mal, et elle se dit qu'elle ne devait pas s'imaginer des choses aussi folles. John avait raison, ces papiers étaient des atrapes nigauts. Les pretendus maitres occultes se faisaient payer des milles et des cents et puis prenaient bien vite la poudre d'escampette, et c'était là le seul tour qu'ils soient réellement capables d'excuter. Non, elle n'allait pas payer quelqu'un pour lui faire du mal.
Mais quelque chose, qu'elle n'arrivait pas à identifier, dont elle n'aurait su dire si ca provenait de l'annonce ou du fond de son esprit à elle, quelque chose lui soufflait le contraire. "Et pourquoi pas ?" repetaient une voix étrangere. "Et pourquoi pas ? Apres tout, je n'ai plus rien à perdre".
Sans trop savoir ce qu'elle faisait, et vaguement consciente de faire une chose qu'elle regreterait bientot, elle se dirigea vers le telephone.
Une voix d'homme lui répondit. Une voix grave, profonde, rassurante et inquietante à la fois. Une voix qui lui demandait ce qu'elle pouvait faire pour son service.
- Je veux revoir mon mari, dit-elle en tremblant legerement.
- Je vois... Parti en rejoindre une autre hein ?
- Euh... Oui, en quelque sorte, oui...
- Vous connaissez son nom ?
- La... La mer l'a...
Elle fondit en larmes.
- Oh. Une femme mariée en plus. Le cochon... Et bien ne pleurez plus madame, je pense pouvoir arranger ca.
Il lui demanda son adresse. Elle la lui donna, et elle l'entendit noter l'information.
- Je passerais chez vous demain matin vers onze heures, dit il avant de raccrocher.
Et Helen se demanda si ça allait marcher.
Elle ne put trouver le sommeil cette nuit la. Elle s'en voulait d'avoir agi ainsi. C'était stupide... John l'aurait certainement traité d'idiote une fois de plus, et il aurait eu raison. Mais d'un autre coté, cette voix dans sa tête, cette voix qui ne lui apartenait pas se bornait à repeter : "Et pourquoi pas ?" et ces trois mots semblaient pouvoir resister à tout argument. Elle savait que ses espoirs étaient voués à l'echec, mais elle avait envie d'y croire malgré tout.
L'homme sonna à la porte à onze heures precises. Il observa Helen un moment, avant de se fendre d'un clin d'oeil et d'un sourire en coin et de penetrer en conquerant dans le salon, annoncant haut et fort qu'il allait faire rentrer l'homme de sa vie à la maison, à grands coup de pieds au cul s'il le fallait.
Il ne ressemblait pas à l'idée qu'elle se faisait d'un marabout. Elle s'était attendu à voir un vieil homme vetu bizarement, parlant avec un accent étrange... Une sorte de sorcier vaudou comme on en voit dans certains films. Au lieu de cela, elle se trouvait maintenant face à un jeune homme assez beau garçon, vetu d'un banal costume en tweed et trimbalant un attaché case gris. Qui s'affairait dans son salon en lui demandant depuis combien de temps son époux avait quitté le domicile conjugal.
Un an, jour pour jour, répondit elle, et elle essuya une larme qui coulait sur sa joue. Savait-elle où il se trouvait maintenant ?
- Il est mort, dit-elle un peu froidement. En mer. On à pas retrouvé son corps.
A ces mots, le sorcier blanc s'arreta net.
- Vous savez, dit il lentement, cette formule, "retours de l'être aimé"... C'est une expression. Je ne pensais pas que... Enfin... Je peux faire beaucoup de choses, mais je ne pense pas pouvoir...
Il dut s'arreter la, car Helen éclata une nouvelle fois en sanglots, et le jeune homme se mit en devoir de la reconforter, parcequ'il n'y avait rien de mieux à faire, un peu gauchement car il ne savait visiblement pas s'y prendre. Il la fit s'asseoir sur le canapé, et essaya de trouver des mots reconfortants.
Il ne put que bredouiller une histoire ridicule et incoherente à propos de gens que l'on aime et qui restent pour toujours quelque part au fond de notre coeur, et il eu un peu honte de lui quand il se rendit compte que c'était le genre de conneries que les personages de Disney racontaient à tout bout de champs. Mais son récit, aussi niais soit il, parut avoir l'effet escompté sur Helen, et il se souvint alors qu'il n'avait jamais rien pigé à la psychologie feminine.
Helen secha ses larmes et se sentit mieux. Peut être ses vieilles amies avaient elles raison. Peut être que la vie avait decidé de lui reprendre John, mais elle était toujours la, et peut être que c'était dur, mais il lui fallait accepter que John ne reviendrait plus. Alors peut être qu'en lui gardant une place au fond de son coeur, comme le disait le jeune homme assis à ses cotés, peut être qu'alors John ne serait plus vraiment mort. Ca faisait beaucoup de peut être, mais n'est-ce pas à ca que se resume l'existence ?
L'important était de ne pas l'oublier. Ca non, jamais elle ne l'oublierait, mais elle pouvait faire comme si, reprendre le chemin de la vie, et tenter de reprendre le dessus. C'est ce que John aurait voulu qu'elle fasse, elle s'en rendait compte à present.
- Embrassez moi, dit elle au jeune sorcier qui lui avait, à la manière d'un enfant maladroit, fait reprendre gout à la vie. Et celui ci eu l'air surpris, mais, pensant sans doute avoir affaire à une folle, lui déposa un baiser timide sur la joue.
La porte s'ouvrit et John Smith apparut devant eux, un pistolet à la main. Son visage rouge de fureur, il hurla et traita Helen de salope.
- Johnny ? Mais tu es mort ! parvint elle à articuler entre deux sanglots. L'apprenti marabout, quand à lui, ne savait plus ou se mettre.
- Et c'est une raison pour me cocufier ? Trainée ! éructa le spectre en postillonant. Il leur logea à tout deux une poignée de balles en plomb dans le foie, et puis il contempla en pleurant la petite bague de diamant qui tronait au millieu d'une flaque de sang.